samedi 22 janvier 2011

La Tunisie vu de Bagdad

La révolution n'apporte pas toujours la démocratie, estiment les Irakiens


Les intellectuels irakiens laïques ont profité d'une rencontre de solidarité avec la Tunisie pour exprimer leur amertume sur l'état de leur pays après la chute du dictateur Saddam Hussein et avertir leurs frères maghrébins que la révolution n'apporte pas toujours la démocratie.

"La révolution en Tunisie a libéré notre imagination sur les moyens de lutter pour une meilleure justice (...) mais il faut savoir que l'effondrement de la tyrannie ne signifie pas la victoire de la démocratie, et l'Irak en est un exemple amer", explique l'écrivain Haïdar Saïd.
Il s'exprimait au milieu d'un brouhaha dans le patio de la Maison des poètes, dans la célèbre rue Moutanabi à Bagdad, qui devient en fin de semaine le royaume des bouquinistes et le paradis des fouineurs de livres.
Après avoir noté que ce qui s'est passé en Tunisie était la "première révolution dans le monde arabe car la région n'avait connu jusqu'à présent que des coups d'Etat", il a fait part de ses craintes sur l'issue de ce mouvement.
"Beaucoup de gens parient que la révolution tunisienne aboutira à la démocratie, mais personne ne peut être sûr que tel ce sera le choix du peuple et nous en avons fait l'experience en Irak avec la montée des identités confessionnelles", a-t-il dit.
Depuis la décolonisation, le monde arabe est dominé par des régimes autoritaires nés de coups d'état militaires qui ont étouffé toute vie démocratique. En Irak, les électeurs ont voté depuis l'instauration du multipartisme en fonction de leur confession, et surtout pour des partis religieux.
Alors que le chanteur Sattar al-Naser, accompagné de son oud, entonnait une chanson qui disait "si un jour le peuple désire la vie", un sexagénaire coiffé d'un béret blanc et s'appuyant sur une béquille s'est lancé dans un réquisitoire contre les responsables du pays.
"J'étais emprisonné sous Saddam, mais qui se soucie de moi? Le gang qui dirige ce pays essaie d'occuper la tête des gens avec des sujets stupides comme l'interdiction des débits d'alcool et les partis religieux qui se déclarent démocratiques ont en fait un programme fasciste", dit-il sans vouloir donner son nom.
Arborant un drapeau tunisien, le jeune poète Maitham al-Harbi a conclu la réunion par une ode à la mémoire de Mohammed Bouazizi, qui s'est immolé par le feu le 17 décembre, geste de désespoir à l'origine de la révolte populaire qui a emporté le régime de Zine El Abidine Ben Ali.

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