samedi 22 janvier 2011

Immolation par le feu : Egypte et Mauritanie après la Tunisie et l'Algérie

Immolation par le feu : Egypte et Mauritanie après la Tunisie et l'Algérie



Un homme a tenté de s'immoler par le feu lundi devant l'Assemblée du Peuple au Caire, un geste rappelant celui d'un jeune Tunisien qui a déclenché les émeutes dans son pays, suivi par d'autres cas en Algérie et en Mauritanie.
Ces actes surviennent alors que le monde arabe, dominé par des régimes autoritaires, s'interroge sur les conséquences des événements de Tunisie, où le président Zine El Abidine Ben Ali a pris la fuite vendredi sous la pression populaire.

Ils mettent en relief le mécontentement d'une large partie de la population de nombreux pays arabes face aux difficultés économiques et sociales et au manque d'ouverture politique.
Au Caire, l'homme s'est versé de l'essence sur le corps devant l'Assemblée avant d'y mettre le feu, mais un policier se trouvant à proximité est parvenu à rapidement éteindre les flammes.
Abdo Abdelmoneim, 50 ans, originaire de Qantara, près du canal de Suez, devrait sortir de l'hôpital sous 48 heures après avoir été soigné pour des brûlures superficielles, a assuré le ministre de la Santé, Hatem al-Gabali.
Selon la version officielle, il aurait voulu protester contre le fait "qu'il n'avait pas reçu de coupons pour acheter du pain pour son restaurant".
Lors de son audition devant un procureur, il n'a toutefois pas parlé de restaurant, selon une source judiciaire, mais a assuré qu'il s'était vu refuser des coupons de pain subventionné pour nourrir sa famille, au motif que son nom ne figurait pas sur les listes.
L'Egypte subventionne largement un pain de faible qualité pour permettre à des pans entiers de la population, dont près de la moitié vit avec moins de deux dollars par jour et par personne, de subsister.

Des tensions sont apparues ces derniers mois en Egypte, provoquées notamment par des hausses de prix ou des restrictions sur des produits de base.
Plusieurs ministres et responsables politiques égyptiens sont montés au créneau pour minimiser la portée de cet acte, en présentant l'homme comme fragile mentalement et victime d'une banale erreur administrative.
En Mauritanie, un homme s'est aussi immolé par le feu lundi matin près de la présidence de la République, pour protester contre le régime du général Mohamed Ould Abdel Aziz.
Yacoub Ould Dahoud, 43 ans, s'est aspergé d'un liquide inflammable à l'intérieur de sa voiture, avant d'y mettre le feu, selon des témoins.
La police est intervenue rapidement et l'homme a été évacué vers un hôpital pour y être soigné de brûlures au visage et aux pieds, a indiqué une source hospitalière.
Le général Mohamed Ould Abdel Aziz est arrivé au pouvoir par un coup d'Etat militaire mené en août 2008, puis ensuite élu à la présidence de la République en juillet 2009.
En Algérie, où des émeutes contre la flambée des prix des produits de base ont fait, entre le 6 et le 9 janvier, 5 morts et près de 800 blessé, un homme qui s'était immolé samedi par le feu était dans un état critique lundi, selon une source médicale à l'hôpital d'Annaba (est). Il avait auparavant été présenté comme mort.

Mohcin Bouterfif, 27 ans, faisait partie d'un groupe d'une vingtaine de jeunes rassemblés devant la mairie de Boukhadra, dans la région de Tebessa, pour protester contre le refus du maire de les recevoir, selon des habitants. Ils demandaient des emplois et des logements.
Trois autres personnes ont tenté ces derniers jours de se suicider de la même façon.
Les troubles qui ont conduit au départ du président Ben Ali de Tunisie avaient débuté avec l'immolation par le feu le 17 décembre d'un vendeur ambulant de 26 ans, Mohamed Bouazizi, qui protestait contre la saisie par la police de son étal de fruits et légumes. Le jeune homme était décédé début janvier des suites de ses brûlures.

Phénomène sans précédent...les journalistes prennent le pouvoir dans les rédactions

Phénomène sans précédent...les journalistes prennent le pouvoir dans les rédactions

Les journalistes tunisiens, bâillonnés sous le régime du président déchu Zine El Abine Ben Ali, mènent leur propre "Révolution du jasmin" en s'emparant de la ligne éditoriale dans les rédactions, sans pour le moment exiger le départ de leur direction.
Phénomène sans précédent, des comités de rédaction se sont formés dans les médias d'Etat, les journaux privés réputés proches de l'ancien régime et jusque dans ceux de l'ancien parti au pouvoir, le Rassemblement constitutionnel démocratique (RCD), dont la rue réclame la dissolution.

"C'est nous qui décidons désormais de la ligne éditoriale", déclare Faouzia Mezzi, journaliste de La Presse, un titre prestigieux qui, sous Ben Ali, était passé totalement aux ordres de son entourage.
"On a constitué deux comités de rédaction, l'un pour La Presse et l'autre pour Essahafa", quotidien du même groupe en arabe, explique Mme Mezzi, ajoutant que le président directeur général du groupe a été confiné pour le moment au rôle de celui qui "signe les chèques" pour assurer la marche de l'entreprise.
Le premier signe du changement dans les médias est apparu dans la nuit qui a suivi la fuite vendredi de Ben Ali, avec la disparition du logo "Tunis7" sur l'écran de la télévision publique qui renvoie au 7 novembre 1987, date à laquelle l'ancien président a pris le pouvoir.
"Télévision nationale", proclame le nouveau logo, sur fond rouge et blanc, les couleurs nationales.
Le ton a totalement changé depuis cette date sur la chaîne publique, qui donne désormais la parole aux anciens opposants et aux gens dans la rue, et organise même des débats!
Hermétique, elle était honnie en cachette par les Tunisiens car elle chantait à longueur de journée les mérites du régime. La population était en permanence branchée sur les télévisons satellitaires arabes.

Mais certaines habitudes ont la vie dure comme le fait de respecter l'ordre protocolaire au principal journal du soir. Mardi soir, la première information concerne le président par intérim, Foued Mebazaa, qui reçoit un message du président algérien Abdel Aziz Bouteflika.
"Aucune censure ne s'excerce aujourd'hui", indique Karima, une journaliste du service des informations de la radio publique RTCI mais "nous filtrons les informations en tentant de vérifier les faits. L'équipe de direction est là, mais elle nous laisse faire notre travail de journalistes".
Même son de cloche au groupe de presse proche de l'ancien pouvoir Maison Al-Anouar, qui a quatre titres. Les directeurs de l'information ont disparu mais les journalistes continuent de travailler, indique Chokri Baccouche, rédacteur en chef adjoint de l'un de ces titres.
A l'agence officielle TAP, après un moment de flottement, la rédaction a pris les choses en main, tout en gardant le PDG.

La prise de pouvoir s'est également effectuée à Radio Mosaïque FM, qui appartenait à des proches de Ben Ali.
"Nous avons décidé de prendre en main la ligne éditoriale de la radio pour qu'elle transmette la voix des Tunisiens quelles que soient leurs sensibilités et leur appartenance", ont annoncé dans un communiqué les cadres, les journalistes et les employés de cette station.

Le gouvernement de transition a annoncé "la liberté totale" de l'information et aboli le ministère de la Communication, l'organe de propagande et de censure de l'ancien régime.
Des journalistes disent savourer la nouvelle liberté, avec un sens de la responsabilité. "Je sens que le rôle des journalistes dans la période qui s'ouvre est d'informer tout en préservant cette révolution contre les dérives et les usurpateurs", souligne l'un d'eux Mahmoud Hosni.

Tunisie : les forces politiques après la chute de Ben Ali

Les forces politiques tunisiennes en présence pendant la transition démocratique qui débute après la chute du régime autoritaire de l'ex-président Ben Ali, le 14 janvier 2011.

1/ L'ancien parti au pouvoir du président déchu Zine El Abidine Ben Ali
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Rassemblement constitutionnel démocratique (RCD)
Dirigeant actuel: le président Ben Ali a été radié du RCD mardi, mais pas encore remplacé à ce poste
Présidentielle de 2009: 89,62%
Législatives de 2009: 161 sièges

2/ Opposition tolérée sous Ben Ali
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A/ Opposition alliée au gouvernement

Mouvement des démocrates socialistes (MDS):
Orientation : social-démocrate
Dirigeant actuel : Ismaïl Boulahya
Présidentielle de 2009: pas de candidat
Législatives de 2009: 16 sièges

Parti de l'unité populaire (PUP)
Orientation: socialisme et nationalisme arabe
Dirigeant actuel: Mohamed Bouchiha
Présidentielle de 2009: 5,01%
Législatives de 2009: 12 sièges

Union démocratique unioniste (UDU):
Orientation: nationalisme arabe
Dirigeant actuel: Ahmed Inoubli
Présidentielle de 2009: 3,80%
Législatives de 2009: 9 sièges

Parti social libéral (PSL):
Orientation : libérale
Dirigeant actuel : Mondher Thabet
Présidentielle de 2009: Pas de candidat
Législatives de 2009: 8 sièges

Parti des verts pour le progrès (PVP)
Orientation : écologie
Dirigeant actuel: Mongi Khamassi
Présidentielle de 2009: pas de candidat
Législatives de 2009: 6 sièges

B/Opposition anti-gouvernementale

Parti démocratique progressiste (PDP)
Orientation: gauche
Dirigeante actuelle: Maya Jribi
Présidentielle de 2009: Pas de candidat
Législatives de 2009: 0

Forum démocratique pour le travail et les libertés (FDLT)
Orientation: défense des droits de l'homme
Dirigeant actuel: Mustapha Ben Jaafar, qui a démissionné mercredi du gouvernement de transition
Présidentielle de 2009: pas de candidat
Législatives de 2009: 0 siège

Mouvement Ettajdid (ex-communiste)
Orientation: centre-gauche
Dirigeant actuel: Ahmed Ibrahim
Présidentielle: 1,57%
Législatives: 2 sièges


3/Opposition interdite sous Ben Ali
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Ennahda (renaissance)
Orientation: islamiste
Dirigeant actuel : Rached Ghannouchi

Congrès pour la République (CPR)
Orientation: gauche laïque
Dirigeant actuel: Moncef Marzouki

Parti communiste des ouvriers de Tunisie (PCOT)
Orientation: communiste
Dirigeant actuel: Hamma Hammami

Tunisie Verte (légalisé par le gouvernement de transition)
Orientation: écologiste
Dirigeant actuel: Abdelkader Zitouni

Parti socialiste de gauche (PSG, légalisé par le gouvernement de transition)
Orientation: gauche
Dirigeant actuel: Mohamed Kilani

Parti du travail patriotique et démocratique tunisien (PTPDT, légalisé par le gouvernement de transition)
Orientation: centre-gauche
Dirigeant actuel: Abderrazek Hammami.

Le Maroc ?

Le Maroc épargné par les troubles sociaux, mais pas à l'abri


Le Maroc doit à une "certaine ouverture politique" d'avoir largement échappé aux troubles sociaux qui ont secoué ses voisins et mené à la "Révolution du jasmin" en Tunisie, même s'il n'est pas à l'abri d'une possible contagion, estiment des experts.
Il y a "beaucoup de parallèles entre le Maroc et la Tunisie: mêmes structures démographiques, mêmes demandes des jeunes sur le marché du travail", déclare Mohamed Tozy, professeur de sciences politiques à l'université Hassan II de Casablanca, notant aussi des "problèmes de gouvernance" dans les deux pays.
Le Maroc, où les événements de Tunisie ont été suivis avec attention, connaît lui aussi des mouvements de protestation de jeunes diplômés chômeurs: le détonateur en Tunisie de la révolte ayant conduit à la chute du président Ben Ali.
Certains de ces diplômés sans emploi manifestent régulièrement depuis des années devant le parlement à Rabat, réclamant d'entrer dans la fonction publique.
"On peut dire que le Maroc a été pionnier sur ce plan. Les premières associations de jeunes diplômés chômeurs ont vu le jour dans les années 1990. On a vu se structurer un mouvement avec des sit-in, des marches de protestation et même des tentatives de suicide", remarque Mohamed Madani de l'université de Rabat. Mais cela "n'a pas généré de mouvement comparable à ce qui s'est passé en Tunisie", souligne ce spécialiste de sciences politiques.
Singularité tunisienne, les jeunes, fer de lance de la révolte, sont plus touchés par le chômage que leurs voisins algériens et marocains, souligne Khadiga Mohsen Finan, enseignante et chercheuse à l'université Paris VIII.
En Tunisie, un diplômé sur trois n'a pas de travail. Au Maroc c'est nettement moins: autour de 18%, précise-t-elle. Le taux de chômage global est passé en 2010 de 9% à 10%, selon le Haut commissariat marocain au plan.
Autre élément important, relève la chercheuse: du fait de la "mauvaise gouvernance" aggravée par les effets de la crise mondiale, le "contrat social entre les classes moyennes et le pouvoir tunisien s'est délité", faisant perdre toute légitimité au président.
Le Maroc en revanche ne connaît pas de problème de légitimité, la monarchie servant d'élément fédérateur.
Il y a en outre "une certaine ouverture du jeu politique (...) le pouvoir n'est pas isolé", dit M. Madani. La monarchie a créé un "espace public qui n'est pas parfait mais qui existe", insiste Mme Finan. "Il y a des journaux, il y a un pluralisme qui a toujours existé et qui a été renforcé lorsque le pouvoir a reconnu un parti islamiste à partir de 1998".
Pour autant, le pays - où les inégalités demeurent fortes - n'est pas à l'abri de mouvements sociaux et d'éventuelles violences. "Il y a un vrai problème de gouvernance et cela peut provoquer des expressions de contestation populaires aussi violentes que ce qu'on a vu en Tunisie", estime M. Tozy.

En juin 2008, des affrontements entre forces de l'ordre et jeunes chômeurs à Sidi Ifni (sud-ouest) avaient fait 44 blessés dont 27 parmi les policiers. La récente multiplication des tentatives d'immolation par le feu dans plusieurs pays arabes dont l'Egypte et l'Algérie après les événements tunisiens n'a pas échappé aux autorités marocaines.

Selon le quotidien arabophone Assabah, le ministère de l'Intérieur a ainsi demandé aux autorités locales de "ne pas provoquer les citoyens afin d'éviter que l'un d'eux ne s'immole". "Des instructions ont aussi été données de ne pas vendre l'essence aux personnes qui ne sont pas motorisées". En outre, le Maroc et d'autres pays de la région inquiets d'une éventuelle contagion tunisienne, viennent de lancer des appels d'offre pour l'achat d'importantes quantités de céréales pour éviter d'éventuelles émeutes de la faim.

Tunisie : les blagues sur la "Révolution du jasmin"

"Ali Baba est parti mais pas les 40 voleurs!"


"Offre d'emploi N°140111: On cherche un nouveau président pour la Tunisie, Expérience: débutant accepté. Type de contrat: CDD. Qualités requises: orphelin, fils unique, stérile, et surtout chauve pour qu'il ne fréquente pas les salons de coiffures. (La famille de l'épouse du président déchu Leïla Trabelsi, une ancienne coiffeuse, a mis la Tunisie en coupe réglée).

"Hier je suis allé chez le coiffeur pour me faire Leïler (coiffer) les cheveux. J'ai voulu Trabelsier (voler) le coiffeur, mais il s'est Tunisié (défendu), alors je me suis Benalisé (enfui)".


"Après l'ivresse du changement, Tunis se réveille avec une gueule de bois nationale! La démocratie c'est comme l'alcool, ça se consomme avec modération... Mais en tant que peuple alcoolique, on a vite fait d'ingurgiter toute la bouteille cul sec. Résultat: Le pays sombre dans un coma démocratique".

réé une Banque de solidarité... il s'est enfui avec la banque mais il a laissé la solidarité" (Ben Ali avait fait de cette banque de micro-crédits pour les démunis un motif de fierté)


On avait un président tous les vingt-trois ans, maintenant on a un tous les jours" (du 14 au 16 janvier: Ben Ali, l'actuel Premier ministre de transition Mohamed Ghannouchi, puis l'ancien président du Parlement et actuel président par intérim Foued Mbazaâ)

"Avant, en Tunisie, on avait 10 millions de commentateur sportifs, maintenant on a dix millions de commentateurs politiques"


"Tant que nous sommes chauds, rendez-vous demain à Tripoli vers 09h00. On fait tomber Kadhafi vers 09H30, maximum 10h00, puis on rentre continuer notre révolution". (Le dirigeant libyen Mouammar Kadhafi a regretté le départ de Ben Ali qu'il considère toujours comme le "président légal")


"En 1987 Ben Ali a fait un coup d'Etat contre Habib Bourguiba. En 2011, c'est (l'Avenue) Habib Bourguiba qui lui rend la monnaie (allusion à la manifestation du 14 janvier, avenue Habib Bourguiba à Tunis, qui a précipité le départ de Ben Ali)

"Urgent: En se réveillant ce matin, le roi d'Arabie saoudite a découvert qu'il lui manquait de l'argent" (L'ancien président Ben Ali a trouvé refuge en Arabie Saoudite)

"Ben Ali nous avait promis 300.000 emplois. Ils nous a offert 10 millions de postes... de gardien de quartier", (en allusion aux comités de vigilance formés par les Tunisiens pour défendre les quartiers des milices armées de Ben Ali)

Ben Ali appelle le président égyptien Hosni Moubarak depuis l'avion à bord duquel il fuit la Tunisie: "Allo Hosni, regarde ce qu'ils m'ont fait. Tu peux m'héberger cette nuit"? Moubarak répond: "Bien sûr que non. Tu es cinglé? Regarde dans quel pétrin tu nous a tous mis. Vas en Arabie Saoudite et dit-leur que je pourrais bien faire un pèlerinage anticipé cette année".

"L'Iran en a rêvé, la Tunisie l'a fait" (A propos des manifestations pacifiques de masse contre la réélection contestée du président iranien Mahmoud Ahmadinejad en 2009, réprimés avec violence par le pouvoir islamique qui est resté en place).

Tunisie : Les visages qui vont compter dans l'après Ben Ali

Dans la Tunisie de l'après Zine El Abidine Ben Ali, le président déchu, plusieurs personnalités émergent du lot pour jouer un rôle politique de premier plan:

1/Opposition légale
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- Ahmed Néji Chebbi, chef historique du Parti démocratique progressiste (PDP)
Cet avocat de 66 ans, dont le parti est aujourd'hui présidé par une femme, Maya Jribi, a animé sa formation pendant 23 ans. Ministre du développement régional et local dans l'actuel gouvernement d'union nationale, il plaide pour une transition en douceur tout en gardant les yeux rivés sur la présidentielle. Il est difficile de mesurer le poids de sa formation. Mais cet homme politique au ton calme et dissuasif, apparaît doté d'un certain charisme. Il n'a pu se présenter à la présidentielle de 1989.

- Mustafa Ben Jaafar: dirigeant du Forum démocratique pour le travail et les libertés (FDTL)
Ce médecin de 71 ans, incarne la gauche démocratique. Candidat à la présidentielle de 1990, il a été écarté par le Conseil constitutionnel au motif qu'il ne remplissait pas la condition selon laquelle un candidat doit être le chef élu de sa formation depuis au moins deux ans. Nommé ministre dans le gouvernement de transition, il en a démissionné le 19 janvier en raison de la forte présence de membres de l'ancien parti au pouvoir.

- Ahmed Ibrahim, dirigeant d'Ettajdid (ex-communiste):
Ce professeur de français de 66 ans, marqué à gauche, a forgé son expérience politique dans le syndicalisme. Il est ministre à l'Enseignement et de la Recherche scientifique dans le gouvernement de transition. A la présidentielle de 2009, il n'obtient que 1,57% dans une consultation largement truquée qui verra Ben Ali se faire réélire avec un score soviétique de 89,62% des voix.


2/Opposition interdite
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- Rached Ghannouchi, leader du mouvement islamiste interdit Ennahda:
Ce diplômé en théologie et agronomie de 69 ans a été poussé à l'exil en 1989, avant d'être condamné à la réclusion à perpétuité en 1991 lors de procès ayant suivi le démantèlement du mouvement islamiste, qui a le plus souffert de la répression sous le régime de Ben Ali. Son retour en Tunisie est attendu après la loi d'amnisitie générale adopté par le gouvernement de transition de Mohammed Ghannouchi, avec lequel il n'a aucun lien de parenté. Son mouvement n'aura pas de candidat à l'élection présidentielle, mais veut mesurer sa force aux légistives prévues dans six mois. Ennahda avait recueilli 17% des voix aux législatives de 1989, sous une étiquette "indépendante".

- Moncef Marzouki, dirigeant du Congrès pour la République:
Ce médecin de 65 ans, premier candidat déclaré à la présidentielle prévue dans six mois, est issu de la gauche laïque. Il vivait en exil en France jusqu'à la chute de Ben Ali, avant de rentrer mardi en Tunisie, où son premier geste a été de s'incliner sur la tombe de Mohammed Bouazizi, le premier "martyr" de la "Révolution du jasmin", à Sidi Bouzid (centre-ouest), berceau de la révolte. Il a été président de la Ligue tunisienne des droits de l'homme (LTDH) jusqu'en 1994. Il avait été condamné à un an de prison en 2000.

- Hamma Hammami, leader du Parti communiste des ouvriers de Tunisie (PCOT):
Ce professeur d'arabe de 59 ans, a été maintes fois condamné par la justice de l'ancien régime pour ses activités politiques. Il est sorti de la clandestinité en février dernier. Interpellé à son domicile deux jours avant la chute de Ben Ali, il a été libéré le lendemain. Il a annoncé lundi que son parti ne présenterait pas de candidat à l'élection présidentielle dans six mois. Le PCOT, très actif dans le monde syndical et les universités, ne s'est pas encore prononcé sur sa participation aux prochaines législatives.


3/Dans l'ex-camp du président déchu:
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- Kamel Morjane:
Ce diplomate de 69 ans, bardé de diplômes d'universités américaines, a souvent été présenté comme le candidat de Washington pour succéder à Ben Ali. Il a le handicap d'être lié par alliance à la famille du président déchu et d'avoir été membre du Rassemblement démocratique constitutionnel (RCD). Il n'a rejoint le gouvernement qu'en 2005, à la Défense, avant d'être nommé aux ministère des Affaires étrangères où il a été reconduit dans le gouvernement de Transition. Il avait auparavant fait toute sa carrière au sein des Nations unies et été numéro deux du Haut commissariat pour les réfugiés (UNHCR).

- Mohamed Jegham:
Licencié en économie et en administration publique, il a été ministre du Tourisme sous Ben Ali, avant de devenir son chef de cabinet. Il est ministre du Commerce et du Tourisme dans le gouvernement de transition. Parfois présenté comme le dauphin de l'ex-dictateur, il s'est attiré des inimitiés dans le clan Ben Ali-Trabelsi et a été écarté du palais présidentiel par l'épouse du président déchu Leïla Ben Ali. Ses démêlés avec l'ancien pouvoir pourraient à l'avenir lui servir. "C'est le plus propre et plus intègre" parmi les anciens ministres, dit de lui l'un de ses anciens collaborateurs.

Tunisie : Il n y pas que les déclarations de Alliot-Marie

Le 11 janvier 2011, trois jours avant la chute de Ben Ali et alors que les victimes de la répression se comptent par dizaines, la ministre des Affaires étrangères, Michèle Alliot-Marie, assure devant le Parlement que la Tunisie peut compter, si elle le souhaite, du "savoir faire, reconnu dans le monde entier, de nos forces de sécurité" pour "régler des situations sécuritaires de ce type".
Dans les jours qui suivent, l'opposition se déchaîne contre la ministre, fustigeant une "faute grave", un "déshonneur" pour la France, les écologistes allant jusqu'à exiger sa démission.


Voici quelques déclarations des dirigeants français depuis 1989

- Alors que la révolution tunisienne suscite à Paris débats et controverses au sein de la classe politique, voici un rappel des principales appréciations des dirigeants français pendant les 23 ans de règne de Zine El Abidine Ben Ali :

- 1989 : le 5 juin
Le président socialiste François Mitterrand, en visite à Tunis et interrogé sur les aspects répressifs du code de la presse en Tunisie, affirme que "depuis le 7 novembre 1987 (date de l'accession au pouvoir du président Ben Ali), beaucoup de gens se sont retrouvés en liberté, plusieurs courants d'opinion existent".

- 1991 : le 11 juillet
François Mitterrand, en visite à Tunis: "La Tunisie est un pays accueillant et les Français auraient bien tort de s'écarter de ce chemin favorable aux vacances".

- 1995 : le 6 octobre
Le président Jacques Chirac (droite) lors d'une visite d'Etat de deux jours à Tunis, affirme que le président Ben Ali a engagé son pays "sur la voie de la modernisation, de la démocratie et de la paix sociale". Il ajoute que la Tunisie est en "marche vers le progrès et la construction d'un Etat de droit", assurant que "les avancées" vers la démocratie se font jour après jour.

- 1997 : à l'occasion de la visite d'Etat à Paris du président Ben Ali, les 20 et 21 octobre
Le Premier ministre socialiste Lionel Jospin appelle "à une ouverture plus grande aux valeurs de la démocratie et du pluralisme".
De son côté, le président Jacques Chirac continue de vanter les "profondes réformes" qui ont "renforcé la démocratie, le pluralisme et les droits de l'homme".

- 2003 : le 3 décembre, à Paris, Jacques Chirac déclare, à propos de l'avocate et opposante Radia Nasraoui en grève de la faim à Tunis que
"le premier des droits de l'Homme, c'est manger, être soigné, recevoir une éducation et avoir un habitat. De ce point de vue, il faut bien reconnaître que la Tunisie est très en avance sur beaucoup de pays".

- 2008 : le 28 avril
Le président Nicolas Sarkozy (droite) en visite d'Etat en Tunisie, déclare :
"Certains sont bien sévères avec la Tunisie, qui développe sur bien des points l'ouverture et la tolérance (...). L'espace des libertés progresse. Ce sont des signaux encourageants que je veux saluer".

Le 30 avril, Nicolas Sarkozy salue une nouvelle fois les progrès accomplis en Tunisie :
"Tout n'est pas parfait en Tunisie, certes (...), mais je veux le dire aussi parce que je le pense, quel pays peut s'enorgueillir d'avoir autant avancé en un demi-siècle sur la voie du progrès, sur la voie de la tolérance et sur la voie de la raison?"

2009: le 10 novembre, le ministre des Affaires étrangères Bernard Kouchner, issu de la gauche, se dit "déçu" par le régime tunisien après des arrestations de journalistes, dont l'opposant Taoufik Ben Brik. "Quand on a été élu pour la cinquième fois et qu'on dirige ce pays avec habileté, je pense que c'est inutile", affirme le ministre, un mois après la réelection du président Ben Ali avec 89,62% des voix.